Éclipse médiatique et paternalisme de François Legault

12 février 2025

Depuis quelques semaines, le dossier de l’éducation semble avoir disparu de l’agenda politique du gouvernement. Comme bien d’autres enjeux fondamentaux, il a été relégué aux oubliettes, éclipsé par un plan d’action nationaliste qui monopolise l’espace médiatique.

Difficile de consulter une page de journal, une chaîne d’informations ou le site web d’un média sans entendre parler de notre voisin américain. L’élection de Donald Trump et la guerre tarifaire qui s’en suit mobilisent toute la classe politique canadienne et québécoise. L’équipe de François Legault profite également de cette situation pour polariser l’opinion publique sur plusieurs enjeux identitaires.

Premièrement, jeudi, la CAQ nous présentera son projet de loi-cadre sur l’intégration des immigrants. Celui-ci servirait à « favoriser la « cohésion sociale », tout en protégeant l’identité québécoise et ses valeurs communes, dont l’égalité homme-femme, le fait français et la laïcité. »1 Deuxièmement, le ministre Simon Jolin-Barette planche présentement sur la création d’une constitution québécoise.

Ce ne sont pas là des enjeux anodins. Ils s’inscrivent dans une stratégie bien rodée par laquelle le gouvernement détourne l’attention des crises qui affectent notre société, mais qui ne servent pas ses intérêts démagogiques. Elles brûlent pourtant tout autant que les menaces du président américain.

Je réfère ici, notamment, à l’éducation ! Notre système poursuit son effondrement sous le poids des compressions et du manque de ressources. L’éducation étant bien moins glamour que l’économie pour un comptable de formation, le premier ministre n’accorde cruellement plus sa priorité au règlement des problèmes complexes qui l’affligent.

J’ajouterais même que, fidèle à sa stratégie du « bon père de famille », il exploite les tensions internationales pour se repositionner en leader rassurant, comme il l’avait fait durant la pandémie. Paternaliste à souhait, la stratégie de la CAQ laisse fuir plusieurs incohérences.

Tout d’abord, comment justifier la création d’un « modèle d’intégration nationale » des personnes immigrantes tout en sabrant les cours de francisation à l’éducation des adultes ? Comment prétendre valoriser l’avenir collectif du Québec alors que l’on impose de nouvelles coupures dans le réseau de l’éducation qui se répercuteront pendant longtemps ? La réponse : François Legault et son parti politique savent que les intentions de vote en faveur du gouvernement en place s’effritent rapidement à l’approche des élections de 2026.

Les discours paternalistes et le virage identitaire n’ont rien d’une coïncidence : ce sont des tentatives désespérées de reconquérir un électorat déçu, en ressortant la carte du « Papa Legault », défenseur de la nation québécoise. Tout ceci en évitant soigneusement d’aborder certains enjeux qui font mal à sa cote de popularité, principalement, les services publics.

Notre devoir, en tant qu’acteurs du milieu de l’éducation, est de ne pas nous laisser duper. L’éclipse médiatique obstrue peut-être notre quotidien. Mais, il nous appartient de rappeler haut et fort que l’éducation est le socle sur lequel repose notre société. Celle-ci mérite mieux que des promesses creuses et des stratégies électoralistes.

Jean-François Guilbault

Président du Syndicat de Champlain

1.Alex Fontaine et François Carabin, Le Devoir, 27 janvier 2025