24 octobre 2024
En janvier 2023, le ministre Drainville présentait ses sept priorités, dont une visant à offrir des projets pédagogiques particuliers (PPP) plus accessibles et plus nombreux. Ainsi, le plan stratégique du ministère de l’Éducation se donne comme cible de faire passer le taux de participation aux PPP, par exemple, des élèves du secondaire du réseau public à 75 % en 2026-2027.
Quel est le but recherché par l’obligation du déploiement de ces PPP ? « [Étant considérés] comme des facteurs importants de réussite et de persévérance scolaires pour bon nombre de jeunes, [le MEQ prétend qu’ils] contribuent à rendre nos écoles inspirantes et donnent l’occasion aux élèves qui le souhaitent de concilier leur intérêt pour une activité sportive, artistique, communautaire, entrepreneuriale ou autre avec leur parcours scolaire. [Les PPP favorisent] la motivation scolaire, l’engagement et la réussite éducative ».
Effectivement, la participation d’un jeune à un programme spécial accroît son sentiment d’appartenance et de fierté. D’autre part, il permet au personnel qui le déploie de faire rayonner une discipline et de se réaliser professionnellement dans un climat de solidarité et de collaboration. Mais ne serait-il pas aussi juste de penser qu’avec ses PPP, le gouvernement camoufle sa façon de faire concurrencer « le public » avec l’offre de services du réseau scolaire privé ? Le ministre Drainville l’a affirmé aux Mordus de politique, le 30 août : la CAQ considère que le système de réseaux mixtes qui existe présentement sert bien le Québec et qu’il sera maintenu.
Le problème avec les PPP, c’est que derrière leurs vertus bienfaisantes se cachent bon nombre d’inconvénients. La sélection ou la pige au hasard sont les premières écorchures à panser. Elles sont à l’encontre de la mission première de l’école qui est d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves, dans le respect du principe de l’égalité des chances. Puisqu’on nous impose d’instaurer des PPP, il est impératif qu’ils soient offerts à tous sans exception.
Le deuxième écueil vient avec les modalités d’implantation. Bonifier une offre disciplinaire se fait inévitablement au détriment d’une autre. Par exemple, en réduisant les heures consacrées à l’enseignement de la CCQ au secondaire ou en enlevant la dispense de son cours d’arts plastiques à l’enseignant spécialiste au primaire. Il devient primordial de réaliser que même si les intentions se veulent dignes, faire de tels choix contribue à cultiver la précarité professionnelle de nos propres collègues et à encourager la dévalorisation de leurs champs disciplinaires. Que le déploiement des PPP donc, demeure à l’avantage de toutes les professions.
Le fleurissement des PPP alourdit et complexifie, à coup sûr, la tâche de chacun des acteurs qui œuvrent à leur mise en place. Alors que nous cherchons des façons d’alléger l’exercice de nos fonctions, l’imposition des PPP est en opposition directe avec les objectifs que nous tentons d’atteindre. Le principe d’équité dans les rôles et responsabilités de chacun a intérêt à être soigneusement réfléchi afin que le rayonnement d’un PPP ne soit ni à la base d’un conflit d’iniquité ni d’épuisement professionnel.
En soi, les PPP confèrent de grands avantages pour la réussite des élèves, mais ils comportent aussi leur lot d’inconvénients. Face à cette ironie, qu’ils soient imposés ou non, il est impératif d’enclencher des réflexions et des consultations sérieuses pour évaluer comment leur déploiement pourrait rendre justice à tout le monde
Geneviève Bourbeau
Coordonnatrice