Objet : La chanson du kava

9 mai 2024

De nos jours, il est de plus en plus ardu d’accorder sa confiance aux autres. Je suis heureuse qu’à l’issue du prochain Congrès CSQ, la Centrale aura un plan de travail triennal à réaliser pour mettre tous les efforts à cultiver la confiance envers les institutions. Les objectifs à atteindre, basés sur cette valeur fondamentale, devront se traduire par des actions concrètes concernant divers enjeux qui permettront de faire avancer la société. Un parmi ceux-ci retient mon attention en raison de son importance primordiale : le dialogue social.

Qu’on le voie sous la lunette institutionnelle ou tout simplement à l’échelle individuelle, le dialogue social inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre personnes, sur des questions présentant un intérêt pour la collectivité, dans la poursuite d’un projet à coconstruire pacifiquement.

Malheureusement, l’art de bien discuter s’effrite. À quoi sommes-nous en train d’assister ? On dirait que notre société est malade. L’être humain, pour le bien de son développement, dépend pourtant des bonnes relations qu’il entretient avec les autres, mais il semblerait que son caractère individualiste prenant le dessus, influencé par le doute et les appréhensions qu’il entretient lui-même, le pousse plutôt à interagir offensivement avec autrui.

Renforcer le dialogue social sera plus que jamais important parce que le temps ayant passé, nous avons oublié comment se parler pour arriver à se comprendre et à se connaître et ainsi entretenir le vivre-ensemble. Le rapport entre la nécessité de se faire entendre pour satisfaire nos besoins et le sentiment d’avoir été pris en considération semble être synonyme de guerre de popularité ou d’opinion publique.

En quoi faire valoir des opinions divergentes, exposer des requêtes ou tenter de convaincre autrui requiert-il de passer à l’attaque ? De nos jours, le sens de la civilité est un concept qui se perd et chacun peut en être témoin dans son quotidien, ne serait-ce que par la lecture de la violence écrite sur les réseaux sociaux, l’intolérance exprimée dans le non-verbal ou l’impatience liée au délai d’attente.

Et c’est partout pareil. Il n’y a qu’à regarder la tournure de certains débats politiques mondiaux sur des enjeux qui nous concernent tous, également. Est-ce qu’aujourd’hui, satisfaire un objectif personnel ou mettre en place des projets de société collectifs nous restreint au passage obligé de la confrontation ?

Plus jeune, j’ai vécu quelque temps au Vanuatu. Dans ce pays, on servait le kava, une boisson faite à partir de racine que l’on broyait et infusait. À l’origine, on utilisait ce liquide infusé comme moyen pour aider à la résolution de conflits. Ses effets anesthésiants avaient la vertu de calmer les ardeurs des gens. Dès lors, en consommer, libérait les personnes de leurs inhibitions, leur permettant d’aller au fond des choses au moyen du dialogue. Quand une situation opposait des individus, ils étaient invités à s’expliquer, puis à boire le kava. L’engourdissement ressenti leur permettait d’être à l’écoute d’avenues nouvelles en guise de compromis pour solutionner leur problématique. Le plus fascinant, c’est que l’état de quiétude, que cette infusion apportait, demeurait une fois les effets dissipés. Pour eux, le kava avait le pouvoir de dicter la paix, la tolérance, le pardon et le respect. Les gens acceptaient le sort de leurs enjeux parce qu’ils avaient écouté la chanson du kava.

Un dialogue social fort et au service du bien commun est une caractéristique fondamentale d’une société qui interagit dans la confiance et qui détient ainsi la faculté d’aller de l’avant. Allons donc boire le kava.

Geneviève Bourbeau

Coordonnatrice