12 avril 2024
La semaine dernière, on annonçait que le personnel de soutien quittait par milliers le réseau de l’éducation chaque année. Les départs pour la retraite n’étaient pas inclus dans ces données. Prenant connaissance du dossier, j’ai visualisé l’image chaotique d’un réseau scolaire bondé d’une clientèle désorientée, livrée à elle-même en raison de la désertion des intervenants. Le phénomène de l’exode de notre personnel de soutien est réel et grave. Il est d’ailleurs exacerbé par le même problème observé chez le personnel enseignant. On parle encore de milliers d’actes de démission en cours de carrière, dépouillant les établissements et creusant la fosse de la profession. Il y a aussi les absences à pourvoir en cours d’année en raison des arrêts de travail qui ajoutent au drame. Nous assistons en quelque sorte au déclin progressif du système d’éducation.
Les causes sont nombreuses. Cependant, je suis ironiquement heureuse que l’on commence à identifier publiquement deux d’entre elles comme étant des plaies ouvertes à l’école québécoise et responsables de la désertion du personnel : la montée de la violence et la déresponsabilisation parentale.
La liste est longue des attentes en extra des parents de nos jours. Et ceux-ci contre-attaquent rapidement lorsqu’ils réalisent que leur enfant n’est plus sur la courbe de croissance scolaire. S’en suit alors leur analyse approfondie de ce que l’équipe-école aurait omis de faire. En revanche, ils excluent de cette autopsie les jours où leur enfant arrive en retard, où il s’absente en raison d’un match de la FIFA, d’un tournoi sportif ou d’un voyage. Ils omettent tous les soirs où ils reportent les devoirs et leçons et ceux où ils oublient de montrer à leur enfant comment bien partager son temps entre ses loisirs et ses responsabilités.
Aller à l’école est dorénavant banal. Alors, ne soyons pas déroutés que nos jeunes se retrouvent perdus par tant de contradictions : d’une part, leurs parents ne valorisent pas l’acte éducatif scolaire alors que d’autre part, ils s’en remettent au système pour pallier leur désengagement parental. Pas étonnant que l’incompréhension des jeunes se manifeste par la violence. On assiste à une montée d’impatience, de contrariété, de carence affective et d’anxiété qui se traduit par les gestes d’agressivité qu’ils adressent aux personnes avec qui ils passent le plus de leur temps : le personnel de l’éducation.
Pas surprenant que celui-ci déserte. Réalisons-nous à quel point soutenir ces jeunes dans un tel état est épuisant ? Cela requiert un taux de patience et de flexibilité infini, de la rigueur indéfectible et de la créativité continuelle pour leur faire vivre de petites réussites sans être la cible de leur violence. Ce n’est pas normal. Et encore moins si on travaille dans un tel contexte avec l’impression qu’on ne peut même pas le dénoncer ou qu’on l’entretient en le tolérant. Les effets directs sur le personnel débutent par le découragement et la peur, puis la persistance mène à l’impuissance et la résignation. Reste à voir combien de temps chacun saura endurer avant de quitter.
Existe-t-il un avenir prometteur pour le réseau ? Oui, mais il reposera sur le rapport que nous saurons rétablir entre l’école et la société. Sur la valeur qu’on accordera à l’école. Comme membres de la société nous-mêmes, il faudra reconnaître que tout commence à la maison. Pour répondre au cri du cœur de tous les personnels de l’éducation, chacun devra s’engager à intervenir sur plusieurs enjeux sociaux qui remédieront aux conditions difficiles d’éducation. La priorité demeurera de faire respecter l’expertise des professionnels sur le terrain en recadrant les rôles de chacun. Comme individu, j’influence et j’agis pour valoriser l’éducation. Comme parent, je suis responsable de la façon dont je montre à mes enfants que je fais confiance à l’école, que je reconnais son importance et que je la protège en n’exerçant ni ne tolérant aucune forme de violence. Comme acteur du réseau, je reprends les rênes et je cultive l’espoir.
Geneviève Bourbeau
Coordonnatrice