22 décembre 2023
Avertissement : La lettre ci-dessous comporte des propos sombres. Âmes sensibles, prière de vous abstenir.
Ça y est, c’est fait… Entêté et pourvu d’une vision tunnel, le ministre Dainville a fait adopter son projet de loi 23 dans son intégralité. Plus intéressés à se garantir des conditions d’exercice de pouvoir et de gestion comptable, lui et son équipe, dénués d’écoute, auront marqué l’histoire pour avoir saigné l’éducation québécoise.
Prenons une minute de silence pour rendre hommage à tous les efforts que nous avons déployés pour faire la démonstration au gouvernement de ce dont l’école publique avait besoin pour redevenir un lieu convoité et valorisé; un endroit où les jeunes auraient la chance de pouvoir s’épanouir, se développer et apprendre parce que le gouvernement aurait compris qu’il est primordial d’investir massivement pour fournir les services de qualité dont ils ont besoin pour y arriver. Efforts qui auront été vains.
Chère éducation publique, sauras-tu trouver la paix face aux conséquences de la mise en place de la réforme Drainville ? Nous avons tenté de lui démontrer qu’il devait tenir compte des conseils du personnel de soutien, des recommandations des enseignants et de l’expertise variée des nombreux chercheurs pour faire évoluer les pratiques; mais non. Le gouvernement obstiné a choisi de dicter une voie à sens unique de développement professionnel basé sur SES recherches probantes.
Chères générations futures, sachez que chaque individu qui choisissait l’éducation pour carrière, devenait expert dans son domaine grâce à l’expérience qu’il développait au quotidien en interagissant avec vous, les jeunes étudiants. Chaque intervenant comprenait alors ce dont il avait besoin comme formation pour perfectionner ses approches et vous les rendre encore plus significatives et porteuses de sens. Mais le gouvernement ne l’a pas vu ainsi. Il a balayé, avec sa loi, le peu d’autonomie professionnelle qu’il nous restait. Son manque de reconnaissance nous a achevés.
C’est une période de grand deuil et je suis navrée pour cet assaut à la démocratie dans notre société. Désolée que les milliers d’organismes et d’intervenants en éducation aient été ignorés par le ministre Drainville, alors qu’ils défendaient les besoins criants du réseau scolaire pour en faire un milieu de qualité « pour les élèves ». En adoptant son PL23, il a démontré qu’il n’avait pas besoin de nos avis experts. Sa science lui suffisait.
D’ailleurs, je regrette que notre gouvernement n’ait eu d’oreille que pour sa gestion mathématique de la mission de l’école. Statistiques, taux de réussite… Quand on passe plus de temps à s’occuper de la manière dont on exercera son pouvoir sur autrui, qu’à s’occuper des conditions d’exercices et d’apprentissage, comment peut-on penser que l’atteinte de ces objectifs comptables sera réalisable ? C’est l’option de niveler vers le bas qui rendra le tout possible. Baisser les attentes minimales dans tout : dans la formation des maîtres, des jeunes, des adultes. Désastreux.
Ce n’était pas notre vision de ce dont l’éducation publique avait besoin pour vivre. En quoi cette réforme aura-t-elle contribué à sauver le réseau ? Je tiens donc à offrir mes plus sincères condoléances aux acteurs de l’éducation et toute ma sympathie à nos étudiants présents et futurs qui, après leur passage dans le réseau scolaire devenu fantôme, tiendront à bout de bras les fondements d’une société fragilisée.
Monsieur Drainville, le coup de grâce porté par votre PL23 confirme que vous n’aurez pas su prendre soin de vos personnels épuisés de l’éducation. Désillusionnés et impuissants, ils se résigneront à quitter et à fuir votre système pour sauver leur peau. Et alors, quand vous n’aurez autre chose que des écoles vides à offrir à nos enfants, quelle sera votre solution ? Annulerez-vous votre décret pour leur permettre d’utiliser à nouveau leur cellulaire en classe afin qu’ils comblent leurs besoins en soutien scolaire et en enseignement à l’aide des conseils de ChatGPT ?
Geneviève Bourbeau
Coordonnatrice