Plus ça change, plus c’est pareil ?

29 novembre 2019

L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a publié une fiche technique, la semaine dernière, Abolition des commissions scolaires : une menace pour l’éducation ? EveLyne Couturier, chercheuse à l’IRIS, nous présente, entre autres, la proposition du gouvernement Legault sur le projet de loi no 40, la mise en contexte, les impacts anticipés.

Si on résume ce projet de loi, on peut dire que le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, désire remplacer les commissions scolaires par des centres de services. De manière générale, les centres de services reprendront quasiment les mêmes responsabilités que les commissions scolaires avaient. Les élections scolaires et les commissaires disparaîtront pour faire place à des conseils d’administration composés de huit parents, quatre membres de la communauté et quatre membres du personnel scolaire (excluant tout représentant syndical), chacun élu par ses pairs.

Il semble que le gouvernement pourra ainsi épargner quelque 53 millions de dollars sur 4 ans. Il est clair que les élections scolaires n’attirent pas les foules et cela depuis bon nombre d’années. Pourquoi ? On peut penser que la faible connaissance du travail des commissaires et l’idée généralisée qu’ils agissaient plus comme des administrateurs plutôt que des représentants politiques de leur milieu ont certainement participé à leur disparition. Certains diront même que la voix des commissaires n’est que l’écho de la voix de la direction générale, sans plus.

Mais l’important ici, c’est de mesurer les impacts du PL 40 pour le personnel scolaire, les parents, les élèves, la communauté.

Une atteinte à l’équité du réseau

Plus qu’un simple changement de nom, le projet de loi comporte 90 pages et 312 alinéas. L’un des aspects importants, et dont on parle trop peu, est sans contredit la possibilité ainsi créée pour les parents de magasiner l’école idéale pour leur enfant. En effet, selon les nouvelles dispositions introduites par le PL 40, il sera maintenant plus simple d’inscrire son enfant dans un autre centre de services que celui correspondant à son adresse postale.

Déjà l’école publique, pour garder sa clientèle, s’est faite caméléon de l’école privée en multipliant les projets particuliers. Mais si le projet de loi devait être adopté tel quel, toutes les écoles (oui, oui ! Y compris celles du primaire !) deviendront des mini-entreprises cherchant à attirer de la clientèle. Et le partage de certains services avec les écoles privées accentuera l’idée que le privé et le public se fondent dans le même réseau. Alors même que le Conseil supérieur de l’éducation dénonçait, dans son rapport de 2016, les effets pervers de la concurrence en éducation et l’iniquité grandissante des chances dans notre réseau public.

Une chose… et son contraire

Parallèlement, alors qu’il clame que son projet vise une décentralisation décisionnelle vers les écoles, comment ne pas souligner le fait que le ministre s’octroie de nouveaux pouvoirs au niveau des structures, des communications et de la gestion du personnel ?

De plus, le projet de loi prévoit qu’une proportion importante des responsabilités qu’auront les personnes siégeant au conseil d’administration des centres de services seront déléguées à des comités externes. « […] Tant la répartition des ressources, la priorisation budgétaire que les orientations pédagogiques seront discutées entre « experts», sans la présence de parents ou de membres de la communauté, avant d’être soumises pour approbation au conseil d’administration », souligne Madame Couturier de l’IRIS.

Sans oublier que les administrateurs devront y siéger bénévolement. Pour le personnel de l’éducation et les parents déjà submergés par leur horaire chargé, les allocations de présence et les remboursements de frais combleront-ils les tâches et les responsabilités liés au travail ?

L’adage, « plus ça change, plus c’est pareil » ne s’avère pas ici, bien au contraire !

Mireille Proulx
Coordonnatrice