23 mai 2019
Start spreadin’ the news, I’m leavin’ today; I want to be a part of it, New York New York
J’avoue, c’était un peu facile ! « Répandez la nouvelle, je pars aujourd’hui ». Peut-être le ministre de l’Éducation aurait-il mieux fait de voyager avant de déposer son projet de loi ? Mais peut-être qu’aujourd’hui, c’est dans les pratiques probantes de faire les choses à l’envers !
Vous le savez, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a fait, il y a deux semaines, un voyage à New York sur invitation d’une directrice d’école de la Grosse Pomme. « Un programme qui peut être comparé, une population qui peut être comparée, ils sont au moment de l’implantation, je trouvais ça intéressant de voir sur quelles bases ils s’appuyaient, comment ils allaient le faire, la formation des gens qui allaient agir auprès des enfants. C’est une opportunité de collaborer », expliquait le ministre dans La Presse Canadienne pour justifier son voyage.
De notre côté, une conseillère est entrée en contact avec une enseignante new yorkaise (par courriel et par téléphone, c’est beaucoup moins dispendieux !) pour lui poser quelques questions afin de mieux comprendre comment ça se passe chez eux.
Les enfants sont admissibles à la prématernelle universelle l’année où ils atteignent l’âge de quatre ans. La ville de New York commence également à étendre le programme aux enfants âgés de trois ans.
Elle explique qu’avant cet âge, il y a quelques programmes de garderies financées par le gouvernement pour les personnes à faible revenu, faute de quoi les parents paient de leur poche, on s’en doute, cela coûte très cher.
Ainsi donc, à New York, comparativement à ici, il n’existe pas de centres de la petite enfance, de réseau public d’éducation à la petite enfance. Les enfants qui ne fréquentent pas la maternelle 4 ans restent soit avec leurs parents, soit avec une nounou ou fréquentent un établissement privé. Rappelons ici que l’école n’est pas obligatoire avant l’âge de cinq ans, soit au moment de la fréquentation de l’équivalent de notre maternelle.
L’implantation de la prématernelle a donc été un succès puisqu’elle répondait à un besoin. Seules les familles ayant les moyens financiers avaient accès aux garderies privées. Et à New York comme ici, il fait consensus que l’éducation à la petite enfance prépare les enfants à la réussite scolaire.
L’entêtement du ministre Roberge à vouloir implanter la maternelle 4 ans mur à mur sur tout le territoire coûtera cher. Il a d’ailleurs dû admettre tout récemment que les frais d’aménagement d’une classe ne seront pas de 122 400 $ tel qu’il l’a affirmé en campagne électorale, mais bien de quelque 800 000 $ par classe en moyenne.
L’enseignante avec qui nous avons discuté explique que le programme de la prématernelle universelle est le projet favori du maire actuel Bill di Blasio, son lègue pour New York. Notons brièvement que la gestion et l’administration des écoles publiques relèvent de la structure municipale (ou intermédiaire) aux États-Unis.
L’enseignante soutient qu’il n’y avait pas vraiment de mobilisation pour mettre en place ce programme qui connait toutefois un franc succès, comme en témoigne la grande proportion de gens qui choisissent d’y inscrire leurs enfants. Mais rappelons-le, si le dépistage précoce et l’éducation à la petite enfance sont les éléments fondateurs du programme new yorkais, c’est surtout qu’il n’y avait aucun programme éducatif universel destiné à la majorité des enfants. Ce qui n’est pas le cas du Québec…
Les enseignantes et les enseignants new yorkais ont-ils droit à une aide professionnelle, à du personnel de soutien ? Ont-ils des programmes, du matériel ?
Notre contact nous indique que cela dépend, en grande partie, du lieu de travail. « Si vous travaillez dans une école primaire du département de l’Éducation, les classes sont limitées à 18 enfants et chaque classe a droit à un enseignant certifié et un assistant enseignant. Les enseignants disposent également de tout le temps de préparation et de congés auxquels les enseignants ordinaires ont droit dans les écoles publiques. »
L’enseignante avec qui nous nous sommes entretenus souligne aussi que les programmes varient beaucoup selon le lieu. Tous sont supposés être basés sur le jeu, mais il est difficile de dire si c’est le cas partout. Ils vont de l’enseignement progressif (inspirés de Reggio Emilia ou de Montessori) à l’enseignement très traditionnel (feuilles de travail, lettre de la semaine, etc.).
À quoi ressemblent les classes ? Sont-elles équipées de toilettes, de lavabos, etc. ? Notre interlocutrice nous apprend que cela aussi varie selon le lieu où l’école se situe. Sur ce point, la comparaison est bonne, c’est bien comme chez nous ! Du moins, pour les classes de maternelles 4 ans actuellement ouvertes.
Tout l’argent que coûtera l’implantation universelle des maternelles 4 ans est-il bien investi ? Aurait-on pu penser offrir plus de places dans nos CPE, diminuer le coût actuel pour les familles ? Ajouter en CPE des orthophonistes, des techniciennes en éducation spécialisée, des ergothérapeutes, etc. ? Améliorer les réseaux de communication entre les centres de la petite enfance, le réseau de l’éducation et celui de la santé ?
Les pommes et les oranges sont des fruits, certes, mais ils n’ont pas le même goût, ni la même couleur, ni la même texture. Faut-il vraiment les comparer ?
Mireille Proulx