21 février 2019
— Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. Certains attribuent cette phrase à Voltaire, mais il semblerait que ce ne soit pas vraiment le cas. N’en demeure pas moins que tous s’entendent pour dire que ça reflétait bien sa pensée.
Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, de même que la Commission scolaire de la Seigneuriedes-Mille-Îles ne sont certainement pas des fans du célèbre écrivain ! Le congédiement de l’agronome, Louis Robert, et aussi celui de Kathya Dufault, enseignante, en font foi.
Qu’ont-ils tant dénoncé ? Sommairement, dans un cas, l’ingérence du privé dans la recherche scientifique payée en grande partie par des fonds publics et dans l’autre, le poids de l’intégration des élèves en difficulté en classe régulière.
Dans les deux cas, ils ont soulevé une problématique connue, sans chercher à condamner qui que ce soit. Leur objectif était d’informer la population et de soulever le débat.
« Plutôt que d’essayer de régler une situation dénoncée par des employés, le gouvernement consacre tous ses efforts à se débarrasser de celui qui a osé dénoncer […] C’est la chasse aux sorcières ». Ces mots de Stéphane Giroux, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, relatés dans un article du journal Le Devoir, le 13 janvier dernier, résument bien le comportement de l’employeur.
Patrick Lagacé dira dans sa chronique intitulée « Comme les vieux partis », parue le 1er février dans La Presse + : « Et c’est une autre démonstration que l’État, quand il est embarrassé par des révélations qui montrent son incurie, a toujours le réflexe suivant : punir ceux qui ont osé parler. »
Le sacro-saint devoir de loyauté est aujourd’hui utilisé pour faire taire afin de protéger l’institution. Lagacé ajoutera aussi : « On mentionne en revanche que l’agronome a « manqué de loyauté », la clause fourretout des conventions collectives et du Code civil qui permet de fermer la gueule des employés ». Le monde de l’éducation n’y échappe pas.
À l’occasion, des membres du personnel, confrontés à des situations difficiles, choisissent de les exposer. Malheureusement, leur droit de parole est vite rabroué. On met en doute les faits, on ne vérifie pas avec objectivité la véracité des éléments soulevés, on leur cherche des bibittes.
Le pire au fond est le fait que ça dérange à ce point que des gens osent parler, discuter, dénoncer. Préfère-t-on réellement qu’ils jouent au singe qui se cache les yeux, se faisant croire ainsi, que le problème n’existe pas ? De quel genre de travailleuses et de travailleurs voulons-nous ? Comment se fait-il que nous soyons rendus à avoir peur de nous exprimer ?
Comment se fait-il qu’il ne soit plus possible, pour le personnel de l’éducation, entre autres, de parler de situations du quotidien à visage découvert ? Comment se fait-il que nous soyons rendus à avoir peur des représailles ? Comment se fait-il que, dans certains milieux, les gens préfèrent se taire en réunion ?
Depuis quand exprimer une opinion est devenu source d’anxiété ? Jaser, discuter et débattre, c’est pourtant tout ce qu’il y a de plus normal. N’est-ce pas ainsi qu’on avance, qu’on se fait une tête, qu’on trouve des solutions ? Rien de plus sain, à mon avis.
Dans le monde de l’éducation, on apprend aux élèves à comprendre, analyser, vérifier, argumenter, s’exprimer. On veut qu’ils aient le plus de ressources en main pour faire leur chemin dans la vie. Doit-on cesser d’agir ainsi ? Afin qu’ils ne soient pas congédiés avant même d’être engagés ?
Mireille Proulx
Coordonnatrice