15 février 2019
Vous les avez entendus à la radio et lus dans les journaux; leurs réflexions, leurs argumentaires et leurs positions circulent de plus en plus, tout comme leur pétition pour une école équitable et de qualité. Occuper l’espace public avec un discours sur l’éducation différent de celui sur la performance et l’excellence, remettre de l’avant les notions d’équité et de solidarité sociale, proposer des solutions réalistes, étudiées et argumentées, tels sont les objectifs du collectif « Debout pour l’école ! ».
« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » C’est la question que se posait Suzanne-G. Chartrand, retraitée depuis 2013, après une carrière dans le milieu de l’éducation de près de 50 ans, notamment comme didacticienne du français.
« Je voyais bien autour de moi, tant de jeunes enseignants que d’anciens collègues d’université, de cégep, etc. se dire que ça va mal et qu’il est de plus en plus difficile de faire son boulot comme il se doit », explique l’instigatrice du collectif en entrevue avec Le Champlain. « Il faut, comme citoyens, se regrouper, analyser la situation et apporter des solutions. »
En 2016, elle publiait donc dans Le Devoir un texte, « Remettre l’éducation sur ses rails », co-signé par plusieurs chercheurs et penseurs en éducation. « À partir de ce moment, beaucoup de gens m’ont contactée pour partager ce travail de réflexion et, indépendamment de nos affiliations politiques ou syndicales, intervenir collectivement sur l’école. »
Dès le départ, trois grands thèmes se sont imposés d’eux-mêmes, en quelque sorte : une éducation de qualité et équitable pour tous, les compétences langagières et les conditions de travail de l’ensemble du personnel scolaire et la formation des maîtres.
« Nous avons travaillé pendant un an. Près de 75 personnes se sont investies pour produire les documents synthèses de trois chantiers, accompagnés de revendications précises », soutien Mme Chartrand, tout en précisant que dès le départ, ils ont dû faire des choix stratégiques parce que c’était impossible de tout faire.
« Nous sommes allés vers ce qui nous semblait le plus en péril et gravement atteint dans les idéaux de justice sociale, c’est-à-dire la formation fondamentale, l’école primaire et secondaire. » Elle ajoute que c’est aussi là que le personnel en arrache le plus. « En cinquante ans, on a créé l’école la plus inégalitaire au Canada, faut le faire ! À partir des beaux idéaux du Rapport Parent sur l’école comme moteur d’une plus grande justice sociale. »
Le collectif multiplie les lettres ouvertes étoffées, les interventions dans différentes émissions d’informations et fait un travail de terrain auprès de la population, des groupes citoyens, des organisations syndicales, etc. pour mettre sur la table les enjeux qui les préoccupent et recueillir des appuis, notamment via la signature d’une pétition.
Avec l’élection de la CAQ et la nomination de Jean-François Roberge comme ministre de l’Éducation, le collectif a choisi cette avenue pour mettre le nouveau ministre devant ses contradictions. « On nous a répété mille fois qu’il était lui-même enseignant et qu’il était là pour écouter. Pourtant, il répète sans cesse que ses trois priorités sont les réformes des commissions scolaires, les maternelles quatre ans et la réfection des écoles. Bon, la dernière est une nécessité et n’a rien à voir avec les priorités politiques ! Mais pour les deux premières, ni la population ni le corps enseignant n’ont demandé cela. Donc, il n’écoute pas et fait semblant. »
Le collectif a donc lancé une pétition, composée de sept revendications précises qui seront adressées au ministre au printemps. « Nous avons choisi des revendications stratégiques pour permettre au personnel de faire son travail, comme il faut, avec passion et plaisir. »
Assurer une mixité sociale et culturelle dans les écoles et les classes, diminuer les ratios élèves/enseignants et élèves/personnel de soutien, augmenter les ressources professionnelles et de soutien, diminuer la précarité, soutenir les nouveaux enseignants, augmenter la rémunération de tous les membres du personnel de l’éducation et lever toute entrave à la prise de parole publique. Voilà ce que réclament les signataires de la pétition.
Évidemment, « Debout pour l’école ! » a besoin d’appuis et de signataires. C’est d’ailleurs ce à quoi les membres s’affairent en ce moment.
Pourquoi avoir choisi, tout comme d’autres groupes l’ont aussi fait d’ailleurs, de former un collectif en dehors des structures syndicales existantes, qui partagent pourtant la très grande majorité des revendications portées par le collectif ? Pour Mme Chartrand, il y avait plusieurs éléments de réponse, dont la liberté d’action en dehors des organisations parfois lourdes, la liberté de mettre de l’avant même les éléments qui ne plairaient pas et ne pas devoir choisir entre des organisations en raison des affiliations syndicales.
« S’il y a de la solidarité entre nous tous, tant mieux ! Mais nous tenons à être libres de toute organisation. Et puis, il y a le fait que nous soyons un collectif et qu’une de nos grandes forces vient justement du fait que les membres proviennent de différents milieux, avec des expériences sur un large spectre de secteurs d’activités. » « Debout pour l’école ! » compte à ce jour près de 1 200 membres.
L’article de Marie-Christine Paret et Stéphanie Demers, membres du collectif, intitulé « Baisse de ratios élèves /enseignants : une question d’équité », paru dans La Presse +, le 17 janvier 2019) a suscité beaucoup d’intérêt. Suzanne-G. Chartrand confiait en entrevue que d’autres publications sont sur la table de travail et qu’on pouvait s’attendre bientôt à « quelque chose sur la sélection dans le réseau public avec les programmes particuliers ».
Pour la suite, elle insiste sur l’importance de faire circuler la pétition dans les réseaux, pour rallier toutes celles et ceux qui ont l’éducation publique à cœur. « Il y a une conjoncture favorable pour l’éducation en ce moment au Québec. La difficulté, c’est de poser un geste social pour nous faire sortir de nos torpeurs individuelles ! »
Pour signer la pétition en ligne du collectif « Debout pour l’école ! » : ICI.
Passez le mot !