Lettre au ministre de l’Éducation – Rentrée parlementaire

28 novembre 2018

Saint-Hubert, le mardi 27 novembre 2018

 

Monsieur Jean-François Roberge
Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur
Cabinet du ministre
Édifice Marie-Guyart
1035, rue De La Chrevrotière, 16e étage
Québec (Qc) G1R 5A5

 

Monsieur le ministre,

 

La rentrée parlementaire ayant lieu aujourd’hui même, nous profitons de l’occasion pour vous adresser ces quelques mots, au nom du Syndicat de Champlain, mais surtout, au nom des membres que nous représentons et de toutes celles et ceux qui ont à cœur l’éducation publique.

Votre gouvernement a insisté, tout au long de la campagne électorale et dès les premiers jours suivant son élection, sur le fait qu’il inscrit l’éducation en tête de liste de ses priorités.

Nous avons consulté nos membres pour savoir ce qu’ils aimeraient vous dire, s’ils avaient l’occasion de le faire directement. Ils nous ont communiqué leurs préoccupations, leurs besoins et nous ont aussi fait part de leurs souhaits pour les mois à venir. En lien avec la relation qu’ils ont avec les élèves, dans leur travail quotidien et dans l’intérêt de la réussite de tous, ils se sont exprimés sur les attentes qu’ils ont envers vous, Monsieur le ministre.

Nous nous faisons donc les porte-paroles de ces femmes et de ces hommes, des enseignantes et des enseignants, des membres du personnel de soutien scolaire, mais aussi des professionnelles et des professionnels, des parents, certains cumulant même parfois plusieurs chapeaux, pour vous transmettre leurs réflexions. Vous trouverez dans ces lignes quelques extraits, directement tirés de leurs commentaires, que nous avons regroupés par thèmes.

La parole est à eux !

Cesser l’inclusion à tout prix des élèves en difficulté d’apprentissage ou de comportement en classe régulière et ouvrir des classes spéciales et des classes d’adaptation scolaire sont, sans contredit, parmi les éléments qui reviennent le plus fréquemment.

« Ouvrir plus de classes spéciales afin qu’on ait moins d’élèves intégrés qui alourdissent les classes et qui ne reçoivent pas l’aide souhaitée […] » – Claude

« Je souhaite qu’il y ait plus de classes spéciales au primaire afin de répondre aux besoins des EHDAA, particulièrement TSA. […] Qu’on investisse dans le développement social de nos jeunes en injectant des ressources afin que TES, psychoéducateurs et psychologues puissent intervenir et offrir des thérapies aux besoins réels de chaque école. » – Marilou

« Aurons-nous plus de soutien dans nos classes pour nos élèves HDAA ? Est-ce normal que mes 11 élèves sur 21 en difficulté d’apprentissage ne voient pas tous l’orthopédagogue chaque semaine ? » – Brigitte

« Arrêter l’inclusion massive des élèves en grande difficulté ! Nous nous sentons abandonnés avec des élèves qui exigent l’impossible dans des milieux où les ressources sont manquantes ! » – Katherine

« Retour des classes d’adaptation scolaire pour les élèves qui en ont besoin, moins d’élèves par classe, plus de personnel de soutien, plus de temps pour planifier. » – Claudia

La question des classes spécialisées est généralement accompagnée de demandes concernant la diminution des ratios, dans l’objectif d’augmenter les services aux élèves : services professionnels, accompagnement, dépistage, etc. Impossible de passer outre ces éléments présents dans presque la totalité des interventions.

« Diminuer le nombre d’élèves par classe et fournir un accompagnement réel pour les élèves particuliers en classe régulière. » – Éric

« Démontrer que le travail de l’orthopédagogue sera efficace si on voit des enfants en petit groupe et plusieurs fois par semaine, plutôt que de voir plus de 40 élèves une ou deux fois par semaine. Présentement, beaucoup de parents pensent que leur enfant a un service, car notre nom est sur le plan d’intervention mais, en réalité, a-t-il vraiment un service de qualité ? Non ! » – Brigitte

Les enseignantes et les enseignants pointent aussi l’augmentation constante des élèves en difficulté qui n’ont pourtant aucun code et qui ne reçoivent pas les services adaptés dont ils auraient besoin. Une réalité difficile pour ces enfants, évidemment, qui compromet leur réussite scolaire. Mais il s’agit également d’une réalité éprouvante pour le personnel enseignant, qui souligne à quel point le manque de services adaptés à ces élèves alourdit sa tâche au quotidien et complexifie son enseignement ainsi que sa gestion de classe, parfois malheureusement au détriment des autres élèves.

« Qu’on accélère l’accès aux services pour nos élèves et que ce ne soient pas que les plus affectés par les difficultés qui y aient accès mais aussi ceux qui sont à risque. » – Cindy

Le travail du personnel de soutien scolaire aussi est affecté par cette réalité. Comment expliquer que des élèves avec des problèmes de comportement ne soient plus considérés comme tels une fois rendus au service de garde ? Comme si leurs difficultés ne nécessitaient plus de services une fois la cloche sonnée.

« [Reconnaître] la réalité au service de garde où nous n’avons pas les services requis pour ces élèves à besoins particuliers ! Il est plus que temps que ça change, nous sommes à bout de souffle. » – Mélanie

« Je trouve qu’il n’y a pas assez d’heures de travail pour le personnel en service de garde. Il y a bien suffisamment à faire entre les heures coupées et nous faisons ça bénévolement ?! Cela n’a pas de bons sens ! » – Krystel

Entretien, propreté, agrandissement, besoin de plus d’espace et de locaux pour les spécialistes, partage de classes qui peut être irritant, etc. : l’état des bâtiments et des lieux d’enseignement fait aussi partie de leurs préoccupations. Tout comme les élèves, ils y passent la majorité de leur temps et donc, nécessairement, ils sont préoccupés par leur environnement de travail.

« Moins d’élèves par classe et plus d’enseignants, donc plus de classes et agrandissement des écoles. Rendre les écoles plus propres et sécuritaires. » – Marie-Andrée

« Construire des locaux pour les spécialistes au primaire quand ils vont agrandir pour les maternelles quatre ans. » – Érik

Puis, il y a bien sûr les aspects de la valorisation, de la protection de l’autonomie professionnelle et de la rémunération qui figurent au chapitre des priorités.

« Je voudrais qu’on reconnaisse TOUT le temps que je donne à mes élèves et à mon école. J’aimerais que l’école privée disparaisse et que toutes nos écoles soient pareilles, avec des chances égales de réussite pour les élèves. Je voudrais que la profession d’enseignant soit valorisée. […] Je voudrais que la violence subie par les travailleurs de l’éducation soit prise au sérieux. » – Annie

« Rémunération augmentée et/ou supplémentaire pour nos heures de correction et de planification effectuées à l’extérieur des heures faites à l’école. Un plus grand budget pour des activités à faire auprès de nos élèves, du matériel scolaire et pédagogique aussi. » – Marie-Andrée

« Valorisation de la profession enseignante, reconnaître les heures de travail les soirs et les fins de semaine, limiter le nombre d’étudiants par classe, reconnaître le surplus de travail qu’engendrent les étudiants avec des problèmes particuliers, laisser aux enseignants, les seuls professionnels en cette matière, le soin d’enseigner sans intervention des conseillers pédagogiques et de la direction quant au contenu et aux méthodes d’enseignement. » – Luc

Il ne faut pas oublier le secteur de l’éducation des adultes, dont les réalités ont complètement changé au cours des dernières années, mais pour lesquelles les services et le mode de financement n’ont pas suivi.

« S’intéresser au secteur de l’éducation des adultes afin d’y constater toutes les actions effectuées pour éviter le décrochage et y accorder les services nécessaires. De plus, revoir le mode de financement de ce secteur et y intégrer des mesures afin de contrer la précarité des enseignants qui s’y investissent. » – Lisa

« J’aimerais savoir ce que le ministre a l’intention de faire dans les centres d’éducation des adultes afin, notamment, d’améliorer les services offerts aux élèves et les conditions de travail du personnel ? Est-ce que la formule pour le financement des centres (datant de plus ou moins 20 ans) sera revue ? » – Louis-Philippe

Une large proportion des commentaires exprime aussi une inquiétude quant à l’équité sociale et à l’égalité des chances que doit garantir notre réseau public d’éducation.

« Je m’attends à ce que le ministère puisse investir dans les milieux défavorisés pour maintenir les services aux élèves, malgré le recensement fédéral qui a apporté avec lui bien des inquiétudes… » – Jacinthe

« Que [le ministre] fasse en sorte de maintenir les ratios réduits en milieux défavorisés. » – Julie

« Je m’attends à ce que [le ministre] écoute les gens de plancher (et non les tribunes populaires) et que les sommes dépensées pour l’éducation soient scrutées à la loupe. Qu’il n’y ait pas de clivage ou de favoritisme parmi les écoles (toutes traitées équitablement) et que cesse le financement des écoles privées. » – Mike

Et finalement, bien que la question de la violence vécue par le personnel de l’éducation dans les milieux soit un élément qui revient régulièrement, nous avons trouvé intéressant qu’il soit aussi soulevé par des parents.

« En tant que parent, j’aimerais que les enseignants de mon enfant obtiennent toutes les ressources dont ils ont besoin pour enseigner, qu’on reconnaisse leur expertise et leur autonomie professionnelle, qu’on cesse d’ajouter des élèves aux besoins particuliers, qu’on élimine les tâches « bureaucratiques » et les réunions bidons afin de leur permettre de se consacrer à l’enseignement. J’aimerais aussi qu’ils soient mieux protégés de la violence, du harcèlement et de l’intimidation qui sévissent dans certains milieux. Enfin, qu’on leur donne les moyens de s’épanouir dans cette profession essentielle pour l’avenir de notre société ! » – Manon

Vous constaterez, Monsieur le ministre, que le chantier est vaste et qu’il comporte plusieurs facettes. Bien entendu, tout ne pourra s’effectuer du même coup, mais nous attendons de vous la volonté politique et le leadership nécessaires pour vous attaquer aux véritables problèmes qui affectent notre réseau d’éducation, tels qu’ils vous ont été présentés ci-haut par celles et ceux qui y œuvrent au quotidien.

Le Syndicat de Champlain n’est pas qu’un simple groupe de pression. Nous représentons, certes, 10 500 membres du personnel enseignant et de soutien scolaire, mais nous portons aussi la voix de toutes celles et ceux qui œuvrent au quotidien dans les milieux ou qui ont à cœur l’éducation publique.

Nous analyserons donc chacun des gestes que vous poserez en regard des priorités, des préoccupations et des besoins ci-haut exprimés.

Soyez assurés de notre collaboration et de notre aide dans la réalisation de cette mission. Sachez aussi que nous sommes entièrement disposés à vous rencontrer en tout temps, si besoin est.

Cordialement,

Éric Gingras
Président du Syndicat de Champlain (CSQ)