10 septembre 2018
Le Champlain a rencontré Simon Collin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur une approche sociocritique du numérique en éducation, pour discuter de la place des nouvelles technologies en classe.
Selon lui, le problème avec le discours idéologique dominant sur les nouvelles technologies, c’est justement qu’il est toujours question de l’aspect technologique et non pas pédagogique.
L’idée n’est pas de savoir si la dernière technologie a de l’impact sur les apprentissages, mais plutôt de savoir si, par rapport aux objectifs pédagogiques, elle est la plus adaptée, la plus pertinente.
Son intégration, sans qu’on ne sache vraiment pourquoi d’un point de vue pédagogique, induit une pression sociale et professionnelle sur le personnel enseignant. Pour le chercheur, la clé serait plutôt de repositionner les enseignants dans une situation où ils ont le contrôle et où l’on reconnait leur expertise pédagogique.
« Un enseignant qui résiste au changement est un enseignant qui ne voit pas nécessairement la pertinence pédagogique et, dans ce cas, heureusement qu’il résiste ! »
Le chercheur insiste sur le fait que les nouvelles technologies sont développées sous une impulsion de productivité, d’efficacité et c’est généralement la finalité qu’on leur donne. Pourtant, en éducation, on aurait avantage à ré-fléchir sur comment elles peuvent aider à démocratiser davantage les possibili-tés d’enseignement et d’apprentissage. « Apprendre à des élèves à manipuler et à programmer des robots ne les forme pas à la société de demain, insiste M. Collin. Mais comprendre le langage de la programmation et les algorithmes par la manipulation, par exemple, c’est intéressant parce qu’on les retrouve sur les réseaux sociaux, dans les informations qui leurs sont présentées sur Facebook, dans les recherches documentaires. »
« Dans un monde numérique et d’intelligence artificielle, développer une pensée critique par rapport aux usages qu’ils font des technologies, c’est préparer les élèves au monde de demain. Il me semble que l’école a tout de même une part à jouer dans sa mission éducative, mais ce n’est pas tant de les former à des technologies que de leur donner des méthodes de travail sur comment utiliser une technologie pour apprendre. Il faudra alors se donner les moyens de le faire. Mais actuellement, les technologies sont essentiellement intégrées comme soutien à des disciplines. »
Simon Collin fait valoir que les études démontrent une grande hétérogénéité, au sein d’une génération, dans la maîtrise des nouvelles technologies. Un des premiers facteurs influents est… le niveau socioéconomique !
« En milieu défavorisé, l’expérience et les usages sont souvent moins riches. Le discours sur les « natifs du numérique » amalgame toute une génération et exacerbe les inégalités numériques, lesquelles ne sont que le reflet, sur le plan technologique, des inégalités sociales plus larges. »
On ne parle pas ici de la simple manipulation d’une tablette. C’est au niveau des usages que les différences se dessinent, explique M. Collin. « Il faut y voir une occasion de démocratiser l’appropriation des technologies, sachant que le niveau de départ des élèves n’est pas le même. Tout comme on les forme à l’écriture, sachant qu’ils n’ont pas tous le même rapport initial, selon leur milieu. C’est la même chose. Voici donc une bonne raison d’intégrer les technologies en classe : Pour que les élèves aient tous les mêmes chances dans l’avenir. »