11 mai 2018
Les promoteurs du Technopôle Angus, à Montréal, proposent de céder un terrain à la CSDM pour la création d’un nouveau projet d’école communautaire : bienvenue aux Ateliers éducatifs Angus, une école publique, mais gérée comme une école privée !
Le projet, subventionné à 100 % par l’État, bénéficierait des mêmes transferts et budgets que les écoles des autres quartiers. L’école serait gratuite pour tous et elle serait dédiée aux enfants du quartier.
Par contre, la Commission scolaire n’aurait aucun mot à dire ni sur les dépen-ses, ni sur les services offerts, ni même sur l’embauche du personnel enseignant, du personnel de soutien ou du personnel administratif. Ces tâches reviendraient plutôt à un conseil d’administration, regroupant des gens de la communauté, et non pas à un conseil d’établissement. Pourquoi tout ceci ? Pour permettre à cette « école de rêve » (tiens, une autre !) d’être bien ancrée dans le milieu.
Pour le bien de la réflexion, je vais mettre de côté mon chapeau syndical, les aspects de convention collective intimement liés à ce projet et même tous les aspects légaux. Car nous savons fort bien qu’un simple décret gouvernemental peut lever ces embûches pour permettre à, disons un projet-pilote, d’aller de l’avant.
Soyons clairs : les écoles à charte, car c’est bel et bien le modèle proposé pour les Ateliers éducatifs Angus, constitueraient un recul social important et non pas une innovation. Comme prof, comme citoyen et comme parent, je ne peux accepter qu’une telle brèche vienne fragiliser davantage le réseau public. Je m’explique.
Ce n’est pas un hasard si ce projet voit le jour dans un milieu favorisé comme le quartier Angus, quoi qu’en disent les penseurs et les promoteurs. Les écoles à charte américaines, au cœur du problème de la ségrégation scolaire aux États-Unis, sont aussi implantées dans des quartiers cossus. Bien sûr, dans ces milieux, les parents participent à la vie de l’école et la communauté y joue un rôle prépondérant.
Maintenant, un tel projet pourrait-il voir le jour dans un milieu défavorisé où seulement rejoindre les parents constitue un défi ? Cela serait-il possible dans un quartier pluriethnique où le français est la troisième langue et où les familles n’y sont que de passage ? Vous connaissez la réponse.
Dans un tel projet, y aurait-il des classes d’accueil ? Des classes spéciales ? Bien sûr que non, le conseil d’administration ne ferait pas ce choix onéreux ! On préférera intégrer les élèves…
Alors que le Conseil supérieur de l’éducation sonnait déjà l’alarme en 2016 quant à l’iniquité grandissante au sein du réseau de l’éducation pour les jeunes Québécois, un tel projet introduirait une quatrième vitesse, pour ceux qui auraient la chance d’habiter dans « le bon quartier »…