12 avril 2018
Il y a un peu plus d’un an, tout juste après l’élection de Donald Trump à la présidence des États- Unis, nous publiions deux entre- vues avec des enseignants américains pour prendre le pouls de leur quotidien, avec l’intention de réitérer l’exercice un an plus tard.
Or, la fusillade dans un lycée de Parkland en Floride, qui a fait dix- sept morts et une quinzaine de blessés en février dernier, les déclarations du président Trump estimant que d’armer les enseignants constitue la meilleure façon de rendre les écoles sécuritaires ainsi que les mouvements étudiants en faveur d’une meilleure législation contre les armes à feu ont évidemment chamboulé la perspective de ces entrevues.
Depuis, les événements se précipitent. Non seulement la mobilisation pour un meilleur contrôle des armes s’élargit et se consolide pour, souhaitons-le, prendre le chemin de l’action politique, mais les enseignants mènent aussi une lutte parallèle pour un meilleur financement des écoles publiques américaines et de meilleures conditions de travail. Parce que, de leur avis, une éducation de qualité, accessible à tous, est aussi une partie de la solution au mal social qui gruge leur pays.
Voici donc, brièvement, quelques extraits des réflexions que trois collègues américains ont accepté de partager avec nous.
Comment avez-vous réagi en entendant Trump affirmer que les enseignants devraient être armés pour protéger les élèves ?
Saul enseigne dans un « high school » en Pennsylvanie à des élèves âgés entre 14 et 18 ans. « J’ai pensé : « Quelle idée idiote. » Seul un individu n’ayant aucune expérience dans la fonction publique, encore moins dans une école, peut suggérer que de porter une arme rendra les écoles plus sécuritaires. »
« C’était un choc absolu. Je ne maîtrise pas les pistolets à eau ! », lance Brittany, qui enseigne à des élèves de 4e et 5e année, âgés entre 9 et 11 ans, également en Pennsylvanie.
Tracy est enseignante en 6e année dans une école de la Floride, où est survenue la fusillade de Parkland. Depuis, une loi permettant à certains enseignants de porter des armes à l’école a été votée.
« Notre comté n’a pas encore abordé la question à savoir comment ils allaient gérer cette situation. Je suis indignée et déçue que la solution des politiciens au problème des armes à feu dans nos écoles soit d’armer les enseignants », déplore-t- elle.
Et les élèves, comment ont-ils réagi à ces propos ?
« Mes élèves n’ont pas discuté avec moi des propos crétins de M. Trump. Ils ont toutefois pris part au mouvement national de grève en mars dernier, réclamant que les adultes se mettent au pas pour rendre les écoles véritablement plus sécuritaires. »
Saviez-vous que les œufs en chocolat Kinder Surprise sont bannis aux États- Unis en raison de leur « dangerosité » ? Pourtant, un jeune peut facilement se procurer une arme à feu ! Voilà qui résume parfaitement l’absurde de la situa- tion selon Saul. « Nous avons eu un exercice de confinement, pour la première fois, la semaine suivant la fusillade, explique Brittany. Mes élèves étaient terrifiés. »
Elle ajoute qu’ils ont aussi participé au mouvement national de grève. « J’espère que leur mobilisation aura un impact. Je pense que les étudiants trouvent leur voix et qu’ils cherchent maintenant à se faire entendre ! »
Les choses sont différentes du côté des élèves de Tracy, en Floride, principalement issus de familles aisées ou de la haute classe moyenne. « Malheureusement, plusieurs de mes élèves évoluent dans des environnements très protégés, couverts par leurs parents et peu ou pas en contact avec les défis et les réalités de la vie en dehors de leur communauté. »
Que pensez-vous des différents mouvements sociaux et de la multiplication des campagnes qui se déploient sur les réseaux sociaux sur la question du contrôle des armes ?
« Si une campagne peut être alimentée et soutenue par les medias sociaux, ça ne peut être qu’une bonne chose. Encore faut-il que les électeurs votent, au niveau local, de l’État et au plan national, pour des politiciens qui supportent le mouvement pour un meilleur contrôle des armes », soutien Saul. Il ajoute que, cette fois, ce sont les étudiants qui initient et mènent la conversation, pas les adultes.
« J’adore la voix des étudiants, lance Brittany. Je pense qu’ils ont le plus à dire parce que ce sont eux les principaux concernés par la situation actuelle. »
« Ça m’encourage de savoir que les jeunes prennent le bâton de l’action politique, fait valoir Tracy. Par contre, je n’ai aucun espoir que notre Congrès soit capable de faire des changements importants aux règlementations actuelles en faveur d’un meilleur contrôle des armes à feu. La démonstration est faite que les jeunes Américains doivent exercer leurs responsabilités politiques et voter de façon à ce que les représentants qui ne supportent pas une législation pour un contrôle plus rigide des armes soient sortis de l’arène politique. »
Une nouvelle journée d’action nationale doit avoir lieu le 20 avril prochain. À surveiller !
Maude Messier
NDLR : Les entrevues ont été réalisées en anglais. Les traductions