14 février 2018
Il y a plusieurs années, et cela, jusqu’à la fin des années 1960 environ, la baguette de l’enseignant ou la strap du frère Victor se faisaient aller affreusement sur les doigts et les paumes des élèves qui avaient le malheur de confronter, de répondre impoliment, de se comporter avec un peu trop de fougue en classe. Cette violence physique était inadmissible et on l’a bannie. Heureusement.
Mais a-t-elle vraiment été bannie ? Morsures aux bras, aux mains, aux seins, parfois au visage, coups de pied au ventre, dans le dos, coups à la tête, propos injurieux, menaces de s’en prendre aux biens et aux proches, menaces de mort sont pourtant encore bien présents dans les établissements scolaires.
Seulement, les victimes sont maintenant les enseignantes et les enseignants, les techniciennes en éducation spécialisée, les éducatrices en services de garde, les surveillantes du midi ; les bourreaux sont les élèves et trop souvent leurs parents.
Comment se fait-il que ce qui n’était pas normal avant le soit maintenant devenu ?
Une remarque sur la qualité du travail d’un élève, une note sur un examen ou dans l’agenda, une conséquence suite à un manquement au code de vie : tout est sujet à condamner le fautif, celui qui a osé faire son travail, l’intervenant.
Alors qu’il n’y a pas si longtemps, les parents prenaient le parti du personnel de l’éducation, de l’adulte, la figure d’autorité en leur absence, aujourd’hui, ils donnent droit aux insatisfactions de leur enfant, allant même jusqu’à porter des accusations et à menacer les enseignants et le personnel de soutien de leur faire perdre leur emploi et de parler d’eux dans les médias.
Des parents règlent leur compte sur Internet, invitant d’autres parents à faire de même. Les élèves plus vieux se payent également la traite sur les réseaux sociaux en « partant » des cancans, des rumeurs. Le premier réflexe des parents est de croire leur enfant et de réagir en conséquence en agressant verbalement et même parfois physiquement le personnel.
Mais le plus troublant est certainement le comportement de plusieurs directions, pas toutes heureusement, en lien avec cette violence. En fait, pour plusieurs, la vérité n’est plus au cœur des faits.
Quand des directions osent dire des phrases telles que : « C’est ta parole contre la sienne ! », elles n’accordent ainsi pas plus de poids à la version du personnel qu’à celle de l’enfant. Alors, l’enfant empereur règne en roi et maître. On se courbe devant lui.
La source des difficultés a changé de côté… Afin de ne pas ulcérer les géniteurs de l’enfant empereur et ce dernier, on a bifurqué le regard. On a interrogé celles et ceux qui lui enseignent.
De grandes solutions sont alors apparues : « As-tu pensé à créer un lien ? », « Passe plus de temps seule avec lui », « Le matin, en entrant, dis-lui bonjour avec un contact visuel et assure-toi qu’il soit de bonne humeur » ! Il y a eu aussi l’arrivée des explications qui confortent la violence : « Il a eu un mauvais début de journée », « Il a fait des progrès quand même », « Il faut le comprendre, il est sensible aux bruits »…
Sont aussi apparus les « Arrête d’en parler aux autres parce que c’est négatif pour le climat », « Quand tu pleures, reste dans ta classe, ne va pas au salon du personnel ».
Il n’y a pas d’exagération, tous ces exemples sont bien réels. Pourtant, on banalise les situations de violence et elles dégénèrent, rendant le personnel malade et les climats d’école exécrables.
Comment se fait-il que les autres enfants, aux premières loges d’un tel spectacle, ne soient pas considérés ? Tout comme le personnel de l’éducation, ils vivent de l’anxiété et ils méritent mieux.
On décrie la violence faite aux ainés, l’intimidation et la violence sexuelle, entre autres. Quand cessera-t-on de dire que la violence verbale et physique subie par le personnel enseignant et de soutien est normale en éducation ? Elle ne l’est pas.
Mireille Proulx
Coordonnatrice