18 janvier 2018
Vous est-il déjà arrivé d’ouvrir un cadeau à Noël et de dire : « Oh, comme c’est intéressant, merci ! » ? Et, en votre for intérieur, de grogner : « Mais qu’est-ce que c’est que ça !? ».
C’est un peu l’impression que j’ai eue quand le ministre des Finances Carlos Leitão a annoncé des baisses d’impôt en novembre dernier. Elles avaient un drôle de goût en bouche, comme une amertume.
Comprendre les pas de danse
Lors du dernier Conseil général de la CSQ, en décembre dernier, Éric Boulerice, économiste à la Centrale, présentait l’analyse de la conjoncture socioéconomique, notamment en lien avec la mise à jour budgétaire.
Le gouvernement actuel a octroyé chaque année, sauf en 2014, des réductions d’impôt dans son budget. En 2018-2019, ces cadeaux fiscaux le priveront de 2,8 milliards de dollars en revenus et un peu plus les années subséquentes.
Serait-ce les compressions dans les services publics qui aident à ces baisses d’impôt ? N’allez pas croire une telle chose ! « Le ministre Leitão refuse de reconnaître que son gouvernement a imposé des coupures dans les réseaux des services publics », dit Monsieur Boulerice. Au micro de l’animateur Michel C. Auger, le ministre a joué avec les mots : « Nous avons ralenti significativement, oui, le rythme des dépenses, mais nous n’avons pas fait de compressions. »
Ainsi, à la dernière mise à jour économique, après avoir versé 2,1 milliards au Fonds des générations, le gouvernement bénéficiait d’un surplus de 2,36 milliards pour préparer les élections ! C’est beaucoup plus que les 250 millions que le gouvernement avait initialement prévus. Différents facteurs expliquent ce surplus : revenus plus élevés, dépenses consolidées et intérêts plus faibles que ce qui était anticipé.
Autrement dit, après une période d’austérité qui a durement affecté les services publics, 1,34 milliard de dollars ont été redistribués en baisses d’impôt, sous différentes formes. Il y a bien eu quelques investissements dans différents programmes ou services, mais échelonnés sur six ans… et dont seulement 27 % sont investis dans les trois premières années. Ça sent un brin l’arnaque, vous ne trouvez pas ?
Au cœur de la valse
Certains se souviendront qu’au milieu des années 90, sous la gouverne péquiste, le secteur public a dû se saigner pour atteindre le déficit zéro. Et pourtant, au début des années 2000, ce même gouvernement annonçait d’importantes baisses d’impôt, l’équilibre budgétaire ayant été retrouvé.
Dans sa présentation, Éric Boulerice soutient que ces baisses d’impôt, jumelées notamment à celles qui ont suivies sous le gouvernement de Jean Charest, sont à l’origine de la crise des finances publiques qui a mené à la période d’austérité que l’on a connue au cours des dernières années. Doit-on vraiment souligner à quel point ces compressions ont rudement mis à l’épreuve le réseau de l’éducation, comme l’ensemble des services publics d’ailleurs ?
Et la valse reprend avec ces nouvelles baisses d’impôt. « Il est clair que nous avons amorcé un nouveau cycle de désengagement de l’État avec le gouvernement Couillard », souligne monsieur
Boulerice.
Les surplus utilisés pour octroyer de nouvelles réductions fiscales ont été pris dans le Fonds de stabilisation, enveloppe que nous cachons dans le tiroir du poêle pour pallier aux années difficiles. Qu’arrivera-t-il lors d’un ralentissement économique significatif ou pire, lors d’une récession ? L’enveloppe ne fournira pas, vous l’avez bien compris.
Depuis trois ans, le gouvernement a semé les graines d’une nouvelle ronde de compressions. Sachant que les réinvestissements en éducation et dans les services publics n’ont pas été à la hauteur des compressions, on comprend que ces cadeaux nous coûteront cher, comme personnel de l’éducation et comme citoyens.
Toutefois, nous le savons maintenant, à nous d’en informer nos concitoyens.
Mireille Proulx
Coordonnatrice