Le premier bulletin s’en vient !

15 novembre 2017

Il était une fois, une enseignante d’expérience, fière de son travail et consciencieuse. Un jour, sa direction d’école questionne la note qu’elle a attribuée à un élève. Elle suggère même que, tant qu’à lui donner 58 %, elle pourrait tout aussi bien lui attribuer la note de passage de 60 %…

Il était une autre fois, une direction d’école qui, dans le souci d’éviter une demande de révision de note par les parents, suggère aux enseignants d’éviter de donner à un élève une note finale au bulletin de 57 %, 58 % ou 59 %. « Je n’exige aucune modification de note, seulement usez de votre jugement professionnel quant à la réussite ou non d’un élève », renchérit-il.

Il était tellement de fois… Sans compter celles où les notes sont carrément modifiées à la hausse au bulletin à l’insu de l’enseignant. Vous le savez : la manipulation de notes et la pression quant à l’évaluation des apprentissages sont bien réelles.

Le sujet a beaucoup fait jaser dans les médias au printemps dernier, alors que certains cas ont été rendus publics. Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, avait d’abord minimisé la situa-tion avant de finalement émettre une directive : il ne peut y avoir de modifications de notes « soit pour atteindre des seuils de réussite, soit pour vouloir satisfaire des attentes en matière d’évaluation », pouvait-on y lire. C’était en mai dernier.

Alors que le personnel enseignant s’affaire actuellement à la préparation du premier bulletin, soyons bien clairs : ces pratiques contreviennent à certaines dispositions de la convention collective nationale ainsi qu’à la Loi sur l’instruction publique qui confère à l’enseignant le droit de choisir les instruments d’évaluation des élèves qui lui sont confiés.

Toute situation de pression quant à l’évaluation des apprentissages ou de manipulation de notes devrait être dé-noncée.

 

Gestion axée sur les résultats et Loi 105

En entrevue avec Le Champlain, la vice-présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Sylvie Théberge, confirme qu’en dépit du message envoyé dans les milieux par le ministre Proulx, les problèmes de pression sur les notes et de manipulation existent toujours.

« C’est un problème répandu à l’ensemble du Québec. Une situation que nous dénonçons d’ailleurs depuis des années, soutient-elle. La manipulation des notes est une dérive de la gestion axée sur les résultats. » Et la situation demeure inquiétante à l’aube de l’implantation de laLoi 105 qui comporte des cibles chiffrées et des indicateurs, insiste la vice-présidente de la FSE.

« Nous faisons actuellement l’état des lieux et colligeons les informations nécessaires pour avoir un portrait global et représentatif de ce qui se passe dans les milieux de façon à pouvoir faire les interventions et les représentations politiques qui s’imposent. »

Rappelons brièvement, qu’avec la Loi 105, la convention de partenariat et le plan stratégique des commissions scolaires seront remplacés par le plan d’engagement vers la réussite, qui devra être effectif à partir du 1er juillet 2018. Chaque commission scolaire devra élaborer son plan en cohérence avec le plan stratégique du ministère, dont nous devrions éventuellement avoir une nouvelle mouture, puisque la dernière date de 2013.

Le plan d’engagement, donc, devra faire état du contexte dans lequel la commission scolaire évolue, des orientations et des objectifs retenus, des cibles visées ainsi que des indicateurs pour en déterminer l’atteinte. Dans la perspective où, jusqu’à maintenant, le ministère ne semble pas vouloir s’extraire de la gestion axée sur les résultats, voilà qui n’a rien de rassurant.

Comme Sylvie Théberge le souligne, c’est la préservation de l’autonomie professionnelle et la reconnaissance de l’expertise et du jugement professionnel des enseignants dans l’évaluation des apprentissages qui sont en jeu.

Et le ministre peut bien envoyer des directives ; elles servent surtout à lui donner une bonne image médiatique. Parce que dans les faits, surle terrain, la pression et les « passe-passe » sont toujours d’actualité.