21 septembre 2017
Le billet de Mireille
Ah l’argent ! Surtout quand il s’agit de celui du contribuable… Il me semble que j’entends les ministres Couillard, Leitão, Barrette et Proulx nous dire qu’il faut diminuer la charge des services publics. Pourtant, quand il s’agit des entreprises, des subventions sont offertes. Mais c’est autre chose et je peux le comprendre. Bon nombre de travailleuses et travailleurs mettent du pain sur leur table grâce à ces subventions. Elles sont vues comme des investissements.
Il y a bien longtemps qu’on a vu un taux de chômage aussi bas. J’imagine que c’est dire que l’économie va bien et qu’il y a donc plus de salariés qui paient leur impôt. D’ailleurs, monsieur Leitão a l’intention d’offrir un allègement fiscal aux particuliers, entre autres.
Mais est-ce réellement ce que désire la population ? Combien d’articles, de reportages, de topos font état des aidants naturels qui ont besoin de répit, des personnes âgées qui ont besoin de soins à domicile pour pouvoir y rester, de patients en CHSLD qui aimeraient recevoir deux bains par semaine, de personnes vivant des périodes difficiles qui ont besoin de professionnels en relations d’aide, ou encore d’enfants dont les troubles sont mieux diagnostiqués et qui ont besoin de services ?
« Dans le cas des métiers où la relation d’aide est au centre du service offert, la société de marché fait sentir son hégémonie à travers une perspective où l’uniformisation est promue, l’animosité envers le singulier est cinglante, et où tout ce qui reste de « l’humanité » est pris en otage par les politiques de rationnement et d’austérité », pouvait-on lire dans une lettre d’opinion intitulée Crise québécoise dans les domaines de l’intervention sociale, écrite par une centaine de signataires, intervenants en relations d’aide et publiée dans Le Devoir, le 11 septembre dernier.
En la lisant, je me suis dit qu’il en va ainsi également dans le monde de l’éducation: une vision très utilitariste de celui-ci, qu’on aimerait voir fonctionner comme une entreprise, pour les entreprises.
Je me permets de faire le parallèle car les malaises vécus par les travailleurs sociaux, les éducateurs spécialisés, les médecins, les psychologues, etc. ont le même écho en moi que ceux que j’entends du personnel de l’éducation, dans ce que nous vivons au quotidien. « Les bases mêmes des pratiques cliniques (l’écoute, l’accueil, le non-jugement, l’accompagnement personnalisé, etc.) se font mettre à l’index. À la place, normes et agréments, guides de bonnes pratiques, centre « d’excellence », approche Lean, viennent finement « paramétrer » la pratique, qu’il s’agisse de la durée de la rencontre, son déroulement ou sa finalité. »
C’est tendance de parler de données probantes, surtout si elles permettent d’agir sur le coût. On éloigne la demande simple vers un labyrinthe de questionnaires, de formulaires, d’évaluations.
« De nos jours, plusieurs intervenants ont peur des conséquences s’ils venaient à bifurquer du sentier prescrit. La flexibilité d’intervention est devenue un luxe prohibé appartenant à une époque révolue. » Comment des personnes à la direction, qu’elles soient des services de santé ou des services sociaux ou de l’éducation, peuvent-elles penser que tout entre dans un cadre bien défini comme les étapes d’une chaîne de montage ?
Bien entendu, il est plus facile, quand un intervenant n’entre pas parfaitement dans le moule attendu, de le pointer comme étant le problème. C’est alors que les avis disciplinaires sont brandis, la gestion de classe interrogée, le plan de cours étudié, les devoirs donnés scrutés à la loupe. On veut des résultats, le ministre en demande. Et il est plus facile de blâmer l’intervenant que le système lui- même.
Cette recherche de la recette magique, où on tente d’économiser sur les ingrédients, est sans goût. Il n’y a pas de recette magique. Il y a des ingrédients selon la saison, il y a le temps et le plaisir de la faire. Et alors, la magie opère !