14 juin 2017
Entrevue exclusive avec Marc Beaupré
« Cet élève qui regarde ailleurs, il vous voit, il vous a vu. Et le souvenir de votre passion et de votre curiosité, il l’emporte avec lui quand il s’arrache à vous. Et si demain, il devait régler les problèmes sociaux, environnementaux et politiques d’aujourd’hui, ça sera grâce à ça. Alors merci. Longue vie à vous, à la connaissance et à sa transmission. »
Comédien, metteur en scène et auteur, Marc Beaupré, connu du grand public pour son rôle de Marc Arcand dans Série Noire, a livré un émouvant et touchant hommage aux enseignants à l’émission Plus on est de fous, plus on lit! sur ICI Première, le 5 mai dernier.
« Si j’avais à choisir une cause, je me battrais pour l’éducation. Ça ne donne rien d’avoir une société en pseudo santé financière et physique si l’esprit est mort », livre-t-il dans une entrevue accordée au journal Le Champlain.
« Je ne voulais pas faire ce que beaucoup font quand ils ont un micro, c’est- à-dire chialer. Il y a plein de choses qui ne vont pas bien, notamment en éducation. J’avais plutôt envie de lever mon chapeau, d’honorer les profs parce que je trouve qu’il y a assez de raisons de se plaindre. Bref, je voulais donner de l’amour ! »
Être passionné, c’est inspirer
« Quand je vis des moments difficiles, dans la création, au travail, dans les critiques, je pense souvent aux enseignants. Chaque fois que j’ai à prendre la parole pour valoriser un point de vue sur le monde, ce sont eux qui m’inspirent. J’ai des images du cours magistral d’un prof de cinéma au cégep qui me reviennent continuellement. Ce n’est pas tant ce qu’il m’a enseigné que sa passion qui m’a marqué. »
Il n’est jamais question d’individus spécifiques. Marc Beaupré fait valoir que son message s’adresse à tous les enseignants. « Oui, je le lie à mon expérience personnelle, mais elle est certainement très proche de celle de plein d’autres gens. L’impact que ces personnes, au fil des rencontres, ont eu sur ma vie est immense. Je leur dois beaucoup. »
L’expérience de l’acteur et du metteur en scène y étant certainement pour quelque chose, il fait aussi un parallèle avec le théâtre. « Pensons-y : pendant une heure et demie, ils doivent réussir à donner le goût d’apprendre, le goût de ce qu’ils enseignent, pas à un mais à une trentaine de jeunes habitués à YouTube et à la multiplicité des contenus. C’est toute une performance !
« Quand des collègues acteurs se plaignent de la difficulté de jouer devant un public étudiant, parce que l’attention n’est pas grande, parce qu’ils ont l’air blasés, je leur dis : Imaginez ce que vivent les profs tous les jours ! »
Une société qui ne valorise pas l’éducation
La représentation du monde. C’est l’angle par lequel Marc Beaupré réfléchit à la place qu’occupent l’éducation, la culture, la connaissance dans notre société. « À la télévision, dans les films, dans la culture en général, ce sont toujours les mêmes codes qui sont mis en scène. Les gens enviables sont de belles personnes, jeunes, qui ont de l’argent et qui réussissent. Pas vraiment les intellectuels ni les professeurs !
« Dans l’espace public, notre représentation du monde se fait selon les mêmes codes et c’est un problème parce que la connaissance et les intellectuels ne sont pas valorisés, voire même parfois méprisés. Donc, par extension, l’éducation n’est pas valorisée non plus. Et c’est grave parce que l’éducation permet de tendre vers une société plus égalitaire. On devrait être content d’apprendre ! Mais d’une certaine façon, j’ai parfois l’impression que même ça, c’est méprisé. »
Animé et contagieux, Marc Beaupré parle d’éducation avec beaucoup d’émotions. « Pour moi, c’est la chose la plus importante au monde. Tu vas être heureux dans la vie si tu es curieux, si tu vas vers l’autre, si tu t’intéresses aux choses. Ça me bouleverse parce que je sais que plein de jeunes passent à côté. »
Avec la fin de l’année qui arrive, il lance ce message aux profs : « Ce n’est pas parce que vous avez l’impression que vos élèves s’en foutent que vous avez échoué. Ce n’est pas vrai. C’est immesurable ce que la passion peut devenir avec le temps chez un élève qui, devant vous, a peut-être l’air blasé. Regardez-moi ! »