25 mai 2017
Une grève qui nous concerne beaucoup plus qu’on pourrait le croire
Plus de 170 000 travailleuses et travailleurs de la construction sont en grève générale illimitée depuis très tôt mercredi matin. Devant l’impasse évidente des négociations avec les différentes associations patronales, ils ont pris le chemin des lignes de piquetage pour faire respecter leurs droits face à des employeurs qui, quoi qu’ils en disent, refusent obstinément de faire entrer cette industrie dans le 21e siècle !
La seule évocation de l’ombre d’un conflit de travail dans l’industrie de la construction suscite l’ire générale. Commentateurs et analystes présagent des dommages économiques potentiels et le gouvernement s’empresse de rappeler que, bien qu’une entente négociée soit préférable, il ne « laissera pas la grève durer très longtemps ». Autrement dit, tout le monde parle d’une éventuelle loi spéciale, mais qu’en est-il réellement du conflit ?
Au cœur du litige, c’est de conciliation travail-famille dont il est question. Les employeurs réclament l’extension de la plage horaire de travail quotidienne dans le secteur institutionnel, commercial et industriel (ICI). Concrètement, cela signifie que la plage horaire s’étendrait de 5 heures à 20 heures et que les journées de travail perdues en raison d’intempéries devraient obligatoirement être reprises le samedi, sans compensation financière (temps supplémentaire). « Flexibilité », « productivité » et « compétitivité », répétés en mantras ad nauseam.
Les demandes patronales imposeraient donc un horaire de travail complètement incompatible avec les réalités familiales. Combien de CPE ou de services de garde en milieu familial ouvrent leurs portes à 5 heures et le samedi ? Pis encore, les employeurs réclament de pouvoir changer l’horaire de travail avec un préavis de moins de 24 heures !
Pourquoi sommes-nous toutes et tous concernés par ce conflit de travail ? Parce que si l’adage dit vrai, « quand la construction va, tout va », l’inverse l’est tout autant.
Certes, une grève dans l’industrie de la construction a de réels impacts sur l’économie québécoise. En 2006, la grève avait duré 6 jours et fait chuter le PIB québécois en juin 2013 de 1,1 %. C’est considérable.
Le droit à la libre négociation a été maintes fois reconnu par différents tribunaux à travers le pays et par la Cour suprême.
Quand le gouvernement invoque l’argument économique pour s’immiscer dans un processus de négociation et fausser le rapport de force en brandissant le spectre de la loi spéciale dès que les pourparlers se corsent, il s’inscrit en porte-à-faux avec le droit fondamental des travailleurs et travailleuses de la construction de négocier librement.
Ce parti pris ne fait que perpétuer la rengaine des employeurs de la construction qui, négociation après négociation, ramènent essentiellement les mêmes demandes qui, soyons honnêtes, sont carrément à contre-courant de tout ce qui se fait au Québec pour améliorer la conciliation travail-famille.
Travailleuses et travailleurs de la construction, enseignantes et enseignants, personnel de soutien, travailleuses et travailleurs de la santé, etc., le modus operandi du gouvernement en matière d’entrave à la libre négociation nous concerne toutes et tous.
Aujourd’hui, c’est la construction. Hier, c’était le secteur public. Et demain, nous recommencerons.
Le saviez-vous ?
Depuis le 30 avril 2017, date d’échéance des conventions collectives dans l’industrie de la construction (il y en a 4), les travailleurs perdent en moyenne 51 $ par semaine en augmentations salariales perdus. Autant d’argent qui restent dans les poches des employeurs.
Pourquoi ? Parce que la Loi R-20, qui régit les relations de travail de l’industrie de la construction, interdit la négociation d’une rétroaction salariale. Oui, oui ! Vous avez bien lu ! Voilà une autre belle raison pour les employeurs de laisser traîner en longueur les négociations. Les négociations sont en cours depuis janvier dernier.
La tentation est grande de tempêter devant un chantier de voirie déserté qui occasionne de la congestion routière, ou parce que des travaux à la maison sont retardés, mais prenons quelques instants… Une loi spéciale est-elle vraiment nécessaire ? Solidarité avec ces femmes et ces hommes qui choisissent de faire valoir leurs droits et, surtout, appuyons le droit à la libre négociation !