6 décembre 2016
70 % des enseignants trouvent que les conditions d’apprentissage des élèves se sont détériorées au cours des cinq dernières années, selon un sondage
Lancée le 16 septembre dernier, la démarche de consultations publiques sur la réussite éducative du ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, s’est finalement conclue par une rencontre nationale à Québec, jeudi dernier, à laquelle participaient quelque 90 intervenants.
Le ministre se targue d’avoir entendu près de 15 000 personnes au terme de la quinzaine de rencontres régionales à travers le Québec.
Ne reste plus qu’à espérer qu’il ne les a pas seulement entendues, mais qu’il les a aussi écoutées ! Faut-il rappeler que l’objectif de ces consultations est de formuler une nouvelle politique nationale sur la réussite éducative ?
Le Syndicat de Champlain a questionné le début du processus consultatif du ministère et souligné à quel point il serait dommage, et dommageable pour la réussite éducative justement, que les dés soient pipés d’avance et qu’il n’y ait pas de réels investissements supplémentaires en éducation. Parce que,soyons clairs, il faut plus que des belles paroles !
Justement, à la sortie de la rencontre jeudi dernier, le ministre Proulx, questionné par les journalistes à savoir s’il comptait exclure l’imposition d’un ordre professionnel enseignant en raison du manque d’appuis, le ministre a rétorqué qu’il n’avait pas conclu sa réflexion et que « dans la vie, il y a des mesures qui ont été mises en place qui n’avaient pas les appuis des différents groupes qu’ils visaient, mais c’était structurant pour l’ensemble du système ».
Structurant, vraiment ? La démonstration de l’inutilité d’un ordre professionnel enseignant a été faite maintes fois. Ajouter des structures n’est qu’une diversion pour ne pas se pencher sur ce qui pose vraiment problème dans le réseau: le déséquilibre dans les classes, la concurrence des écoles privées, les projets sélectifs et le manque de services.
Ce que les profs ont dit
C’est d’ailleurs précisément ce qui est ressorti d’un sondage CROP sur la réussite éducative des élèves, commandé par la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), dont les résultats ont été publiés jeudi dernier.
« On trouvait qu’il manquait des éléments majeurs à la consultation nationale. Le Ministère ne posait pas les questions importantes aux enseignants qui vivent l’école au quotidien. De plus, il ne nous a laissé qu’une place infime pour nous exprimer au cours de ce processus. Or, la voix des enseignants doit impérativement être entendue, d’autant plus quand il est question de réussite éducative », a affirmé Josée Scalabrini, présidente de la FSE.
Voici les points saillants du sondage:
– 70 % des enseignantes et enseignants de la FSE trouvent que les conditions d’apprentissage des élèves se sont détériorées au cours des cinq dernières années.
– À la question « Selon vous, qu’est-ce qui a le plus nuit à la réussite éducative des élèves du Québec dans les cinq dernières années ? », 53 % estiment que l’intégration des élèves en difficulté sans les services suffisants constitue le facteur le plus important. 19 % pointent l’alourdissement de la tâche du personnel et 16 % visent les compressions budgétaires. Des éléments qui ne sont d’ailleurs pas étrangers les uns des autres.
– Les enseignantes et enseignants de la FSE jugent que les éléments suivants auraient un impact positif sur la réussite des élèves : augmenter les services aux élèves en difficulté (98 %), intervenir dès la petite enfance auprès des élèves en difficulté et leur famille (99 %), revoir la composition de la classe (98 %), améliorer les conditions d’enseignement en début de carrière (94 %) et laisser au personnel enseignant plus d’autonomie dans son travail (88 %).
– Inversement, ils sont très peu nombreux à croire que de donner plus de pouvoirs à la direction et aux parents dans les établissements auraient un impact positif sur la réussite des élèves (26 %).
Ce sondage confirme que les compressions budgétaires ont fait mal au réseau et que les conditions d’apprentissage des élèves se sont dégradées depuis cinq ans.
Plus de services aux élèves, plus de soutien pour le personnel, un plus grand équilibre dans la composition de la classe et plus d’autonomie professionnelle, espérons que le ministre tiendra compte des priorités du personnel de l’éducation et qu’il déploiera les ressources nécessaires pour investir dans la réussite et dans l’avenir de la société.
Au lancement comme en clôture du processus consultatif, on a pompeusement cité Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on peut utiliser pour changer le monde. » Alors, de la parole aux actes, Monsieur le ministre !