8 novembre 2016
Plus d’hommes et de femmes voudront en être
Revenons un peu en arrière. De quelques années, voire de quelques décennies. Du temps des Filles de Caleb. Une goutte d’eau dans l’histoire. Au primaire, on trouvait des enseignantes, disons plutôt, des maîtresses d’école, comme dans « maîtresses de maison ». Au secondaire, des frères qui enseignaient aux garçons lorsqu’ils arrivaient à l’adolescence, si les parents avaient les sous nécessaires.
À cette époque, au primaire principalement, des femmes «ordinaires» pouvaient enseigner tant qu’elles ne se mariaient pas. Il y avait aussi les sœurs à cornette! Que demandait-on aux femmes ordinaires? D’enseigner certes, mais également de voir à la soupe du midi, au chauffage et au ménage de l’école, de materner les enfants qu’elles avaient devant elles.
Pour les deuxièmes, il arrivait qu’elles fassent ce travail par vocation; d’autres par obligation. Bien entendu, les jeunes filles du primaire ou du secondaire préféraient ordinairement celles qui le faisaient par vocation.
Dans tous les cas, on leur demandait une somme importante de bénévolat. Les premières étaient sous-payées; les deuxièmes avaient fait vœu de pauvreté et d’obéissance. Mais le nombre d’heures de bénévolat par jour et par semaine était inversement proportionnel au salaire et confirmait le vœu de pauvreté.
Sont arrivées les années 60 et, dans cette grande période de mouvance, la démocratisation de l’éducation. De plus en plus de femmes ont commencé à enseigner au secondaire, même chose pour les hommes au primaire.
Mais, comme le dit le dicton, plus ça change, plus c’est pareil.
Quand madame Bombardier parle de vocation, aujourd’hui en 2016, dans l’une de ses chroniques du Journal de Montréal, elle nous ramène à cette époque et fait appel à notre fond judéo-chrétien, culpabilité comprise!
Quand, depuis deux jours, on questionne le nombre d’enseignants masculins dans la profession enseignante, il faut malheureusement tenir compte de la petite histoire.
Est-ce qu’enseigner demande des valeurs et des forces particulières ? La réponse est oui, comme c’est le cas pour d’autres professions qui requièrent d’autres valeurs et d’autres forces.
Malheureusement, pour la profession enseignante, ces concepts de maternage, de bénévolat et de vocation demeurent, encore aujourd’hui, en toile de fond.
Devrait-il y avoir plus d’hommes dans nos établissements d’enseignement ? La réponse est oui. Mais enseigner, ce n’est pas une vocation ni pour les uns ni pour les autres. Ce temps est révolu.
Pour enseigner, il faut quatre années d’études universitaires pour s’y préparer et plusieurs stages. Ça demande d’être organisé, de savoir gérer des êtres humains pendant plusieurs heures chaque jour, en leur inculquant des notions dans plusieurs matières. Ça demande une culture générale importante et tellement plus…
Peut-on penser que, si la profession enseignante était plus valorisée socialement, on cesserait de parler de vocation? Peut-on penser que plus d’hommes seraient attirés par celle-ci? Peut-être.
En fait, c’est vrai également pour les femmes. C’est assez ce retour aux Filles de Caleb et à la valorisation de la vocation, ce qui induit la notion de bénévolat. Il n’est pas normal que le système d’éducation actuel repose, pour son fonctionnement, sur les heures supplémentaires non-payées. Aucun milieu n’accepte ce principe de faire des heures de plus que ce qui est convenu, sans le fric qui l’accompagne.
L’apport des hommes en éducation est indéniable. La valorisation et le respect de la profession, d’abord par les enseignantes et enseignants eux-mêmes, puis par les parents, les commissions scolaires, le Ministère sont essentiels. Tout comme le bannissement du mot vocation est un incontournable.