2 novembre 2016
Consultations sur la réussite éducative : la grogne monte dans le réseau de l’éducation
« Et pourtant, alors que nous devrions avoir la part du lion, la structure même des consultations vise à diminuer notre participation. » – Éric Gingras, au Conseil général de la CSQ.
Maude Messier
Le ministre de l’Éducation mène, depuis le 11 octobre dernier, une série de consultations régionales dans la perspective d’établir une politique de la réussite éducative. Quinze régions seront visitées au total d’ici le 1er décembre, alors que se tiendra une rencontre nationale pour clôturer le processus consultatif.
Chaque partie intéressée est invitée à déposer un mémoire. Le ministère a aussi produit un questionnaire en ligne destiné à l’ensemble de la population pour sonder l’opinion publique sur les pistes d’action qu’il propose, cinquante au total.
Le dernier Conseil général de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a été l’occasion de faire un état des lieux sur ce qui se passe en éducation et de prendre le pouls des premières rencontres régionales qui ont déjà eu lieu : Chaudière-Appalaches et Capitale-Nationale, Gaspésie, Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent ainsi que Mauricie et Centre-du-Québec.
Plusieurs représentants du personnel enseignant, de soutien et professionnel ont pris la parole sur le plancher du Conseil pour témoigner de leur expérience. Tous ont dénoncé le biais flagrant du questionnaire en ligne et souligné l’importance que le plus grand nombre possible de membres du personnel de l’éducation y répondent. Il semblerait d’ailleurs qu’il soit possible de remplir le questionnaire plus d’une fois, comme plusieurs l’ont fait remarquer !
Les gens se sont montrés inquiets du fait que bon nombre des pistes d’action proposées par le gouvernement renvoient le fardeau de la réussite éducative sur le dos du personnel de l’éducation.
Plusieurs ont également souligné le peu de participants à la seconde portion de la rencontre, alors que l’après-midi est réservé à la participation citoyenne. Une occasion à prendre pour le personnel de l’éducation de se faire entendre en investissant ce lieu de prise de parole.
Montérégie: rendez-vous le 14 novembre à Valleyfield
« Valoriser les enseignantes et enseignants, c’est bien. Mais leur faire porter l’entière responsabilité de la réussite scolaire, c’est autre chose et c’est inquiétant », a soutenu Éric Gingras, président du Syndicat de Champlain, alors qu’il prenait la parole au Conseil général.
« Nous sommes les experts en éducation. Mais alors que nous réclamons plus d’autonomie professionnelle et que nous voulons prendre plus de décisions, le ministère, lui, cherche à nous encadrer toujours plus. On ne cherche pas le même résultat. Et cette tangente que prend le gouvernement, celle mise de l’avant par The Economist, le livre de chevet du premier ministre Couillard, est de transférer le fardeau de la réussite sur les épaules des enseignants.
« Pourtant, alors que nous devrions avoir la part du lion, la structure même des consultations vise à diminuer notre participation. En Montérégie, plusieurs syndicats représentent des réalités différentes. Tous devraient pouvoir s’exprimer.
« Le Syndicat de Champlain représente 10 000 membres et Valleyfield est sur notre territoire. Il est impensable qu’on ne puisse pas faire valoir les préoccupations de nos membres lors de consultations publiques dont l’issue affectera leur travail et leur quotidien de façon significative. Si tel est le cas, soyez assurés que nous utiliserons d’autres tribunes. Parce que ce que met au jeu le gouvernement dépasse ici largement ces consultations. »
Consultations sur la réussite éducative : une organisation « broche à foin »
« Après avoir salué, dans un premier temps, l’initiative que nous revendiquions nous-mêmes depuis longtemps, nous avons malheureusement rapidement déchanté quand nous avons été informés à la toute dernière minute du déroulement des consultations régionales », a fait valoir Mme Louise Chabot, présidente de la CSQ, dans son allocution d’ouverture au Conseil général.
« En effet, nous avons dénoncé publiquement l’improvisation évidente de la démarche et le peu de place accordée au point de vue des véritables experts de l’éducation, le personnel enseignant, le personnel de soutien et les professionnels.
« Comment peut-on prendre au sérieux un ministre qui dit vouloir se mettre à l’écoute, alors qu’il ne réserve pas plus de dix minutes par région à l’ensemble des principaux acteurs de l’éducation représentés par la CSQ ?
« Et pour comble d’insulte, une seule personne a le droit de s’exprimer au nom de toutes. Cela ne fait tout simplement pas sérieux et c’est un manque de respect flagrant envers celles et ceux qui, chaque jour, sont au poste dans nos établissements scolaires aux côtés de nos jeunes pour les accompagner sur le chemin de la réussite. »
La CSQ a vivement dénoncé la formule retenue pour le déroulement des consultations régionales, réactions qui ont d’ailleurs fait les manchettes à la veille de la toute première rencontre.
Louise Chabot s’en est prise, elle aussi, aux dix minutes en tout accordées dans chaque région pour les représentations de l’ensemble du personnel syndiqué à la CSQ.
« Pourtant, nous avons beaucoup de choses à dire! Lors de la rentrée, j’ai eu l’occasion de présenter, avec les présidences des fédérations scolaires, nos propositions pour améliorer la persévérance scolaire et la réussite éducative.
« Essentiellement, nous demandions au ministre de faire en sorte que l’élève revienne au cœur de notre système public d’éducation. Cela veut dire, notamment, de procéder aux réinvestissements essentiels pour assurer à l’ensemble des élèves qu’ils recevront les services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit », d’ajouter Louise Chabot.
Démarche législative simultanée : le projet de loi 105
Rappelons aussi que le projet de loi 105, actuellement en étude détaillée et dont le principe a été adopté le 29 septembre dernier, évolue en même temps que le processus de consultations.
Globalement, il opère une décentralisation vers les établissements, tout en donnant un pouvoir accru au ministre, diminuant de facto le rôle des commissions scolaires.
Le projet de loi aurait aussi pour effet d’accentuer le recours à la sous-traitance, notamment pour le personnel de soutien et les professionnels. Sans expertise spécifique au réseau public d’éducation et au bon gré des budget disponibles, c’est la continuité et la qualité des services offerts qui sont menacées.
La CSQ a réclamé publiquement la suspension du projet de loi puisque cette démarche législative du gouvernement est incohérente avec la démarche consultative en cours.