6 octobre 2016
Le billet de Mireille
En cette semaine de la Journée mondiale des enseignants (5 octobre), le Journal de Montréal a décidé de se payer la traite, une fois encore, en titrant en page couverture « Diplômés et analphabètes ». Contrairement à ce que nous aurions pu appréhender, les mots enseignantes ou enseignants n’apparaissent pas dans les articles. Mais il ne faut pas se leurrer, une critique pernicieuse sous-tend les titres et les articles.
On débute avec madame Castonguay, directrice du réseau des CFER, qui se souvient d’un élève qui ne savait pas écrire son nom de famille. Bien sûr, c’est le titre de l’article où cette dame donne son avis. Elle laisse également entendre, sous la plume de Daphnée Dion-Viens, que « pour obtenir un certificat de formation préparatoire au travail (FPT), il suffit de faire 900 heures de stages en milieu de travail, peu importe le niveau scolaire de l’élève ».
Quand on consulte le régime pédagogique, on lit à l’article 23.4 que « l’élève peut être admis à la formation préparatoire au travail s’il n’a pas atteint les objectifs des programmes d’études de l’enseignement primaire dans les matières langue d’enseignement et mathématique ».
On peut aussi constater que la FPT comprend deux volets : formation générale et formation pratique.
1450 heures sont accordées à sept matières obligatoires dont la langue d’enseignement, la langue seconde, les mathématiques, la géographie, l’histoire et l’éducation à la citoyenneté, pour ne nommer que celles-là.
S’ajoutent à cela, effec-tivement, 900 heures de stages, 200 heures consacrées à la préparation au marché du travail et 150 heures à la sensibilisation au monde du travail. Comme on peut le constater, il y a toujours moyen de déformer la réalité en taisant les informations qui font notre affaire.
Tout à côté de cet article, un autre nous permet de comprendre ce qu’est être analphabète. On y apprend, entre autres, qu’au Québec, 53 % des Québécois de 16 à 65 ans ont de la difficulté à comprendre un texte écrit. On nous indique que les statistiques proviennent d’une grande enquête internationale.
16 à 65 ans ? Ouf, ça en fait des programmes, des régimes pédagogiques au fil des années et des décennies ! Si je compte bien, certains ont donc commencé leur primaire autour de cinq ou six ans, il y a 60 ans de cela. L’analphabétisme n’est donc pas un nouveau problème et son importance est indéniable. C’est pourquoi plusieurs générations s’y sont attaquées.
Deux autres articles racontent les histoires de deux jeunes hommes, l’un souffrant de dysphasie et l’autre d’un trouble du déficit de l’attention. Tous deux ont obtenu un certificat de formation préparatoire au travail, mais sont aujourd’hui déçus de leur passage au secondaire. Nulle part dans les articles, on ne mentionne que ce parcours est offert aux élèves ayant au moins 15 ans au 30 septembre.
Mais surtout – et insistons sur ce point – pas un mot sur l’offre de services qui ne répond pas aux besoins de plus en plus grands des élèves. Pas un mot sur les coupures que connaît le réseau scolaire depuis nombre d’années. Pas un mot sur le combat mené l’an dernier par le personnel de soutien, les enseignantes et enseignants et le personnel professionnel pour décrier le manque de services. Pas un exemple !
Pourtant, un appel aurait suffi. Prenons une école favorisée. 500 élèves. Combien y trouve-t-on de techniciennes en éducation spécialisée ? Une ! Des élèves qui présentent le spectre de l’autisme, il y en a; des élèves intégrés, il y en a; des urgences, il y en a, tous les jours, tous les jours. De plus, on délègue très souvent aux techniciennes la responsabilité du programme de lutte contre la violence et l’intimidation pour l’ensemble des élèves de l’école.
Les programmes sont imposés par le gouvernement, les sommes investies pour les services aux élèves aussi. Les gros titres ne font pas toujours la nouvelle.